Le prix est une sculpture intitulée «Cosmos»,
création de l'artiste J.P. Bockel.
photo Robert Desgroppes
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Pourquoi la réciprocité ?
Don ou marchandisation généralisée ? Nous parlons, ici,
d’un flux de dons auquel chaque personne est invitée à participer : donner –
recevoir – donner aussi – recevoir aussi… Parité, tension vers la parité,
conscience de parité, besoin de parité pour vivre ensemble et pour apprendre ?
Ou hiérarchisation, échelle sociale de plus en plus vertigineuse, jusqu’à la
stigmatisation meurtrière… ? Les connaissances, savoir-faire, informations qui
relient, donnent de la fierté, ouvrent au désir d’apprendre encore, au
sentiment de capacité qui permet de chercher le savoir, ouvrent à d’autres
savoirs ? Ou savoirs qui créent de la domination, de la soumission, de
l’humiliation, de la peur d’apprendre, de l’insécurité affective et
intellectuelle ? Pourquoi la réciprocité ? Parce que tous les savoirs sont de
droit « pour tous ». Mais aussi « par tous ». Parce que la réciprocité est une
dynamique de formation efficace. Parce qu’on ne peut construire une société
viable par tous qu’avec les savoirs, questions, points de vue « de tous ». Une
réciprocité se déployant en réseaux ouverts, riches des possibles de chacun, où
chacun peut se savoir attendu, intéressant…
Pourquoi un prix ?
Depuis presque quarante ans, comme personnes, comme
groupes, comme collectifs, comme réseaux, nous nous impliquons pour contribuer
à améliorer nos «bouts de société », vers plus de solidarité, vers plus de
partage des savoirs… en faisant le pari de la réciprocité à la fois dans les
relations et dans les apprentissages. Nous avons alimenté notre implication
grâce à tous les effets constatés de cette réciprocité : de belles rencontres,
des apprentissages réussis, des parcours de formations multiples, des refus
actifs des exclusions et stigmatisations, des dignités retrouvées, des
engagements personnels et collectifs, des créations collectives étonnantes,
belles, joyeuses… Certains nous disent : mais votre projet ne va pas dans le
sens de la société actuelle ? Justement ! C’est pourquoi nous avons voulu créer
un Prix annuel de la Réciprocité, le rendre socialement visible, afin que ce
prix soit une reconnaissance des multiples chemins de réciprocité nécessaires
pour que notre société aille autrement qu’elle ne va! Et parce que les
citoyennes et citoyens qui constituent FORESCO sont convaincus que les effets
positifs de la réciprocité (envisagée comme valeur, comme source de pratiques,
comme méthode) sont trop méconnus.
Premier
Prix de la réciprocité (2010) : Robert Solé
photo Robert Desgroppes |
Robert Solé est écrivain et journaliste français, pour son
roman « Mazag » où son héros invite à « Oser demander, recevoir avec générosité,
ne pas rendre forcément ».
« Toi, pourtant, Basile, quand tu rends service… et alors !
c’est toujours par intérêt. Par intérêt ? m’écriai-je, incrédule. Par plaisir,
si tu préfères. [BB éprouvait des plaisirs multiples : découvrir un nouveau
visage, tel un explorateur débarquant sur une terre inconnue, retrouver une
vieille connaissance, mettre deux personnes en
relation, résoudre un problème, recevoir un remerciement… […] C’est mon
Mazag. […] Il pariait toujours sur son interlocuteur. Ce n’était ni de la
sainteté ni de la naïveté, mais une manière de vivre. […] pour Basile, la
gratuité allait de soi. Monnaierait-on une substance aussi précieuse que le
sang ? L’anonymat, en revanche, le troublait. Que signifiait cette cachotterie
? […] pour Basile, un service était d’abord une occasion d’entrer en relation
avec quelqu’un et de nouer des liens. […] [Il] m’avait indiqué le vrai code de
la route : oser demander, recevoir avec générosité, ne pas rendre forcément ».
Deuxième
Prix de la réciprocité (2011) :
Henryane de Chaponay
Henryane de Chaponay est une précurseuse, une éclaireuse,
autrement dit : elle a fait la course en avant et éclaire des choses en divers
domaines. C’est une tisseuse de réseaux, une « metteuse en relations ». Elle
fait sans cesse, et audacieusement, des paris de mise en relation entre
personnes et entre collectifs coopérateurs qui se révéleront quasiment toujours
féconds ; elle a su faire mutualiser des pratiques ; elle en a le souci
permanent ; elle fait ce qu’il faut pour que ça puisse se faire ; elle sait
l’importance de se donner de la vision à grande échelle, tout en œuvrant dans
le concret, le local, le proche, l’amical. Ce n’est pas un hasard si la même
personne a une connaissance amicale de personnes très engagées et très reconnues
comme Medhi Ben Barka, Lula, l’ex-président du Brésil, Chico Whitaker, un des
fondateurs du FSM, André De Peretti, Stéphane Hessel, Danielle Mitterrand… mais
aussi de personnes engagées courageusement pour du changement social vers plus
de réciprocité positive, donc de justice et de solidarité et qui œuvrent, sans
être « connues », dans les villes, les quartiers, les villages sur toute la
planète. Toutes ces relations-là manifestent un type de rapport aux autres et
au monde qui est tendu par de l’espérance et par l’esprit d’entreprendre.
Troisième Prix de la réciprocité (2012) :
Etienne Davodeau
et Richard Leroy
« Etienne Davodeau est écrivain, auteur de Bande dessinée ;
il ne connaît pas grand-chose du monde du vin. Richard Leroy est vigneron, il
n’a pas lu beaucoup de BD. Etienne lui a dit « toi qui ne connais rien à la
bande dessinée je vais t’en donner, tu vas en rire beaucoup et pour les livres
qui te plairont nous irons voir les auteurs. Et de la même façon, tu vas me
faire goûter beaucoup de vin et les vins qui me plairont, nous irons voir leurs
auteurs". C’est ainsi que Richard a initié Etienne au travail de la vigne
et qu’Etienne lui a fait découvrir l’univers de la bande dessinée. Vous êtes
pleins de curiosité, d’envie, de désir d’apprendre réciproquement. Vous vous
êtes enseignés mutuellement, en partageant votre réel. Vous avez construits de
vrais projets avec des gens partageant les mêmes valeurs et au cours de vos
échanges vous constatez des analogies étonnantes entre vos deux métiers. […]Aussi
pour engager la discussion et donner
envie de lire et de déguster, je retiens « Te pose pas de questions et goûte »
et aussi « Laisse faire les images » Nous
voulons vous saluer pour avoir offert à vos lecteurs tant de savoirs, de
pratiques, de voyages dans des paysages et des territoires accueillants, des
rencontres passionnantes, de magnifiques récits de vie. »
Quatrième Prix de la réciprocité (2013) :
Patrice Leguy,
Pierrot Amoureux, Christian Guitton et au réseau d’ESAT : « Différent et
compétent »
Ces trois hommes sont de très convaincants «
praticiens-apprentis de la réciprocité positive générale » : celle qui fait que
je retiens que ce qui est bon pour moi, l’est tout autant pour chaque autre
personne rencontrée. En cette matière, aucune personne ne peut jamais cesser
d’être en apprentissage. Ce sont de très convaincants « praticiens-apprentis de
la réciprocité positive relationnelle » : celle qui permet de retenir que
chaque rencontre sera, ou ne sera pas, l’occasion d’une belle relation, celle qui
met à la recherche de l’excellence, dans chaque relation, à chaque instant. Ce
sont de très convaincants « praticiens-apprentis » de la réciprocité positive
pédagogique » : celle qui affirme qu’il faut reconnaître en chaque personne le
droit d’instruire autrui. Il s’agit de tout ce que la personne est disposée à
mettre au profit d’autrui. Le plus modeste savoir-faire, dès lors qu’il est
sollicité, devient un don : je donne de moi-même, et je peux même donner de ce
qui me manque, en offrant ainsi à autrui la possibilité de me faire un don. Ce
que vous avez construit s’adresse bien à tous les humains qui ont le projet de
construire un devenir améliorateur à partir des contributions de tout un
chacun.
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