dimanche 22 décembre 2013

Le Prix de la Réciprocité

Le prix est une sculpture intitulée «Cosmos», création de l'artiste J.P. Bockel.
photo Robert Desgroppes
Pourquoi la réciprocité ?
Don ou marchandisation généralisée ? Nous parlons, ici, d’un flux de dons auquel chaque personne est invitée à participer : donner – recevoir – donner aussi – recevoir aussi… Parité, tension vers la parité, conscience de parité, besoin de parité pour vivre ensemble et pour apprendre ? Ou hiérarchisation, échelle sociale de plus en plus vertigineuse, jusqu’à la stigmatisation meurtrière… ? Les connaissances, savoir-faire, informations qui relient, donnent de la fierté, ouvrent au désir d’apprendre encore, au sentiment de capacité qui permet de chercher le savoir, ouvrent à d’autres savoirs ? Ou savoirs qui créent de la domination, de la soumission, de l’humiliation, de la peur d’apprendre, de l’insécurité affective et intellectuelle ? Pourquoi la réciprocité ? Parce que tous les savoirs sont de droit « pour tous ». Mais aussi « par tous ». Parce que la réciprocité est une dynamique de formation efficace. Parce qu’on ne peut construire une société viable par tous qu’avec les savoirs, questions, points de vue « de tous ». Une réciprocité se déployant en réseaux ouverts, riches des possibles de chacun, où chacun peut se savoir attendu, intéressant…

Pourquoi un prix ?

Depuis presque quarante ans, comme personnes, comme groupes, comme collectifs, comme réseaux, nous nous impliquons pour contribuer à améliorer nos «bouts de société », vers plus de solidarité, vers plus de partage des savoirs… en faisant le pari de la réciprocité à la fois dans les relations et dans les apprentissages. Nous avons alimenté notre implication grâce à tous les effets constatés de cette réciprocité : de belles rencontres, des apprentissages réussis, des parcours de formations multiples, des refus actifs des exclusions et stigmatisations, des dignités retrouvées, des engagements personnels et collectifs, des créations collectives étonnantes, belles, joyeuses… Certains nous disent : mais votre projet ne va pas dans le sens de la société actuelle ? Justement ! C’est pourquoi nous avons voulu créer un Prix annuel de la Réciprocité, le rendre socialement visible, afin que ce prix soit une reconnaissance des multiples chemins de réciprocité nécessaires pour que notre société aille autrement qu’elle ne va! Et parce que les citoyennes et citoyens qui constituent FORESCO sont convaincus que les effets positifs de la réciprocité (envisagée comme valeur, comme source de pratiques, comme méthode) sont trop méconnus.

Premier Prix de la réciprocité (2010) : Robert Solé
photo Robert Desgroppes
Robert Solé est écrivain et journaliste français, pour son roman « Mazag » où son héros invite à « Oser demander, recevoir avec générosité, ne pas rendre forcément ».
« Toi, pourtant, Basile, quand tu rends service… et alors ! c’est toujours par intérêt. Par intérêt ? m’écriai-je, incrédule. Par plaisir, si tu préfères. [BB éprouvait des plaisirs multiples : découvrir un nouveau visage, tel un explorateur débarquant sur une terre inconnue, retrouver une vieille connaissance, mettre deux personnes en  relation, résoudre un problème, recevoir un remerciement… […] C’est mon Mazag. […] Il pariait toujours sur son interlocuteur. Ce n’était ni de la sainteté ni de la naïveté, mais une manière de vivre. […] pour Basile, la gratuité allait de soi. Monnaierait-on une substance aussi précieuse que le sang ? L’anonymat, en revanche, le troublait. Que signifiait cette cachotterie ? […] pour Basile, un service était d’abord une occasion d’entrer en relation avec quelqu’un et de nouer des liens. […] [Il] m’avait indiqué le vrai code de la route : oser demander, recevoir avec générosité, ne pas rendre forcément ».

Deuxième Prix de la réciprocité (2011) : 
Henryane de Chaponay

Henryane de Chaponay est une précurseuse, une éclaireuse, autrement dit : elle a fait la course en avant et éclaire des choses en divers domaines. C’est une tisseuse de réseaux, une « metteuse en relations ». Elle fait sans cesse, et audacieusement, des paris de mise en relation entre personnes et entre collectifs coopérateurs qui se révéleront quasiment toujours féconds ; elle a su faire mutualiser des pratiques ; elle en a le souci permanent ; elle fait ce qu’il faut pour que ça puisse se faire ; elle sait l’importance de se donner de la vision à grande échelle, tout en œuvrant dans le concret, le local, le proche, l’amical. Ce n’est pas un hasard si la même personne a une connaissance amicale de personnes très engagées et très reconnues comme Medhi Ben Barka, Lula, l’ex-président du Brésil, Chico Whitaker, un des fondateurs du FSM, André De Peretti, Stéphane Hessel, Danielle Mitterrand… mais aussi de personnes engagées courageusement pour du changement social vers plus de réciprocité positive, donc de justice et de solidarité et qui œuvrent, sans être « connues », dans les villes, les quartiers, les villages sur toute la planète. Toutes ces relations-là manifestent un type de rapport aux autres et au monde qui est tendu par de l’espérance et par l’esprit d’entreprendre.

Troisième Prix de la réciprocité (2012) : 
Etienne Davodeau et Richard Leroy

« Etienne Davodeau est écrivain, auteur de Bande dessinée ; il ne connaît pas grand-chose du monde du vin. Richard Leroy est vigneron, il n’a pas lu beaucoup de BD. Etienne lui a dit « toi qui ne connais rien à la bande dessinée je vais t’en donner, tu vas en rire beaucoup et pour les livres qui te plairont nous irons voir les auteurs. Et de la même façon, tu vas me faire goûter beaucoup de vin et les vins qui me plairont, nous irons voir leurs auteurs". C’est ainsi que Richard a initié Etienne au travail de la vigne et qu’Etienne lui a fait découvrir l’univers de la bande dessinée. Vous êtes pleins de curiosité, d’envie, de désir d’apprendre réciproquement. Vous vous êtes enseignés mutuellement, en partageant votre réel. Vous avez construits de vrais projets avec des gens partageant les mêmes valeurs et au cours de vos échanges vous constatez des analogies étonnantes entre vos deux métiers. […]Aussi pour engager la discussion  et donner envie de lire et de déguster, je retiens « Te pose pas de questions et goûte » et aussi « Laisse faire les images » Nous  voulons vous saluer pour avoir offert à vos lecteurs tant de savoirs, de pratiques, de voyages dans des paysages et des territoires accueillants, des rencontres passionnantes, de magnifiques récits de vie. »

Quatrième Prix de la réciprocité (2013) : 
Patrice Leguy, Pierrot Amoureux, Christian Guitton et au réseau d’ESAT : « Différent et compétent »

Ces trois hommes sont de très convaincants « praticiens-apprentis de la réciprocité positive générale » : celle qui fait que je retiens que ce qui est bon pour moi, l’est tout autant pour chaque autre personne rencontrée. En cette matière, aucune personne ne peut jamais cesser d’être en apprentissage. Ce sont de très convaincants « praticiens-apprentis de la réciprocité positive relationnelle » : celle qui permet de retenir que chaque rencontre sera, ou ne sera pas, l’occasion d’une belle relation, celle qui met à la recherche de l’excellence, dans chaque relation, à chaque instant. Ce sont de très convaincants « praticiens-apprentis » de la réciprocité positive pédagogique » : celle qui affirme qu’il faut reconnaître en chaque personne le droit d’instruire autrui. Il s’agit de tout ce que la personne est disposée à mettre au profit d’autrui. Le plus modeste savoir-faire, dès lors qu’il est sollicité, devient un don : je donne de moi-même, et je peux même donner de ce qui me manque, en offrant ainsi à autrui la possibilité de me faire un don. Ce que vous avez construit s’adresse bien à tous les humains qui ont le projet de construire un devenir améliorateur à partir des contributions de tout un chacun.


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